Un journaliste pigiste doit toujours refuser le statut d’auto-entrepreneur : le cas du mensuel « JunkPage »

Le code du travail français prévoit une « présomption de salariat » pour tous les journalistes professionnels, qu’ils soient rémunérés à l’heure, dans le cadre d’un contrat de travail explicite et mensualisé, ou qu’ils soient rémunérés à la pige, par plusieurs employeurs, auquel cas le contrat de travail est tacite.

L’article L-7112-1 du code de travail est sans équivoque. Il ne laisse aucune place à l’exercice de la profession en tant qu’auto-entrepreneur. Voté à l’unanimité en 1974, il est connu sous le nom de « loi Cressard », du nom du député (UDF), Jacques Cressard, fils de journaliste, qui a porté cette réforme avec les députés Jack Ralite (PCF) et Georges Fillioud (PS), tous les deux anciens membres du SNJ-CGT.

La loi Cressard est constamment bafouée par des dirigeants de presse peu scrupuleux. C’est le cas du mensuel culturel gratuit JunkPage, diffusé dans la métropole de Bordeaux.

Pourtant, cette loi est constamment bafouée par des dirigeants de presse peu scrupuleux. C’est le cas du mensuel culturel gratuit JunkPage, diffusé dans la métropole de Bordeaux.

Il y a quelques années, faisant face à des « difficultés économiques », le journal « culturel et addictif » a expliqué à ses collaborateurs journalistes pigistes qu’il ne survivrait pas s’il continuait à les rémunérer légalement. La direction leur a demandé de prendre le statut d’auto-entrepreneur, car il en allait, selon elle, de la survie du média.

Durant au moins deux ans, un des fidèles collaborateurs, contributeur depuis le numéro 1, sorti en 2000, s’exécuta afin de pouvoir poursuivre cette activité.

En décembre 2021, après avoir réclamé le règlement d’une facture qui trainait depuis un certain temps, un journaliste a reçu une réponse cinglante : les collaborateurs qui critiquent JunkPage n’ont pas leur place dans le journal.

En décembre 2021, après avoir réclamé le règlement d’une facture qui trainait depuis un certain temps, il a reçu une réponse cinglante : les collaborateurs qui critiquent JunkPage n’ont pas leur place dans le journal.

Par mail. Sans entretien préalable. Sans avertissement. En bloquant son numéro pour éviter de lui répondre au téléphone. C’est comme ça que l’on se débarrasse des « pigistes » payés en facture, sous statut d’auto-entrepreneur : sans pitié. Évidemment, sans indemnité de licenciement.

Malgré nos multiples messages, relances et lettres recommandées, le directeur de JunkPage n’a pas donné suite aux interpellations du SNJ-CGT.

Il n’est pas acceptable qu’en France, en 2021, un directeur d’une entreprise (quelle qu’elle soit) puisse congédier un collaborateur par voie de courrier électronique, sans autre forme d’entretien ou d’évaluation de la faute commise par le collaborateur.

Par ailleurs, toute entreprise de presse doit rémunérer les journalistes en salaire.

Le SNJ-CGT soutient le salarié dont les droits ont été bafoués dans toutes les procédures judiciaires que celui-ci, et son conseil, décideront d’entreprendre. Nous l’avons également encouragé à signaler cette situation à l’Urssaf, afin que celle-ci effectue les vérifications nécessaires. Mais toutes ces démarches prendront du temps, beaucoup de temps.

Le fait qu’une entreprise rencontre des problèmes de trésorerie n’est pas une raison valable pour ne pas respecter le droit des travailleurs, d’autant plus si celle-ci reçoit de l’argent public pour la financer.

Nous considérons que les collectivités locales, leurs groupements et tout autre organisme public, annonceurs ou partenaires de ces supports, doivent prendre en compte ces situations, afin d’éviter de se rendre complices de ce type de violations du droit du travail.

Montreuil, le 5 juillet 2022.

Une réflexion au sujet de « Un journaliste pigiste doit toujours refuser le statut d’auto-entrepreneur : le cas du mensuel « JunkPage » »

  1. Bonjour,
    Je suis journaliste, titulaire de la carte de presse depuis plus de 40 ans et bientôt à la retraite. Je ne suis pas étonnée de ce que je viens de lire. Il y a une dizaine d’années déjà, à Bordeaux, la Communauté Urbaine (CUB) recrutait des rédacteurs pour ses publications en passant par des offres de marchés publics. Elle exigeait de ses collaborateurs de travailler sous le statut d’auto-entrepreneur, ce que j’ai refusé de faire. Je n’ai donc jamais travaillé pour la CUB.

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